In extremis

Publié le par Dradradra

Lorsque les mots pénétraient son esprit, les maux la quittaient aussitôt. Elle voyait en eux un sauvetage in extremis de son être tout entier.

Qu’il pouvait être lourd, cet être, lorsqu’elle souffrait… Ses sens altérés, elle vacillait. Chaque pas pouvait être le dernier, jusqu’à ce qu’elle trouve l’appui dont elle avait tant besoin.

 

Elle ne savait ni pourquoi, ni comment. Elle ne savait pas même pourquoi ces maux et comment ces mots. Combien de temps encore ?

Autant de questions qui hantaient ses jours, ses nuits, chaque fois qu’elle souffrait et qu’elle n’en connaissait ni la cause ni la véritable finalité.

 

Elle était entourée, loin d’être seule au monde. Or ces moments précisément, elle les vivait seule. Elle les supportait seule. Rien, ni personne autour, elle espérait que tout s’arrangerait. Souffrance en dents de scie.

On lui exposait des peines de cœur, des mariages fatigués, on lui disait que le monde était mauvais, que tout y sentait le rance. On la berçait de paroles douces, de « Nous serons présents quoiqu’il arrive », puis de discours, de longs monologues, d’interminables tirades à la première personne du singulier. L’important, c’était eux, se disait-elle. Elle avait fait son temps, rendu service autant qu’elle l’avait pu. Elle avait enfanté, vu mourir aussi. Peut-être était-ce simplement son tour.

 

Les maux ne la quittaient plus, elle cherchait ses mots afin de se réconforter. Se dire que « ce n’est qu’un mauvais moment à passer. Encore un. Le dernier. ». Elle cherchait, se souvenait péniblement, tentait de réfréner cette douleur qui la lancinait. L’anesthésier. Temporairement…

 

Les mots de la Muse résonnaient comme un chant insidieux dans son esprit…

Depuis que le soleil, dans l'horizon immense,
A franchi le Cancer sur son axe enflammé,
Le bonheur m'a quittée, et j'attends en silence
L'heure où m'appellera mon ami bien-aimé*.

 

… Ceux du Poète se reflétaient infiniment dans le lac vide de son avenir :

Dépouille devant tous l'orgueil qui te dévore,
Cœur gonflé d'amertume et qui t'es cru fermé.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé*.

 

Apaisée, elle ferma les yeux. Assise dans ce fauteuil dans lequel elle avait passé toutes ces heures rêveuses, elle achevait son dernier songe. Celui de la Nuit d’Août.

 

* Musset

Publié dans Pat & Tic

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